Historique
Bien qu'envisagée très tôt, la ligne n'a finalement été construite que
très tardivement, figurant parmi les dernières mises en service du XXème
siècle. Elle inaugure un nouveau style architectural "régionaliste" pour les
bâtiments, très éloignés des modèles "unifiés" construits en masse les
décennies précédentes, et qui sera utilisé pour les quelques lignes
construites par le PLM jusqu'à la disparition de cette compagnie fin 1937.
Elle figure à la fois parmi les plus belles lignes de France quant aux
paysages traversés sur sa moitié Sud, tout en étant aussi une des lignes non
électrifiées les plus actives desservant en grande partie le second port de la
Méditerranée.
- 1835 : lors de la conception de la première ligne de chemin de fer devant relier Avignon à Marseille, un itinéraire via la Cote
Bleue est envisagé parmi les trois tracés étudiés, mais ne voit finalement pas le jour vu le nombre d'ouvrages d'art
(tunnels et viaducs) à réaliser même si ce tracé éviterait de creuser un
long tunnel sous le massif de l'Estaque.
- 8 janvier 1848 : la ligne Avignon - Marseille via Arles et Rognac est achevée après avoir nécessité le percement du
Tunnel de la Nerthe,
à l'époque le plus long de France.
- Années 1870 : la Compagnie du PLM (Paris - Lyon - Méditerranée) décide de relancer le projet de ligne
Avignon - Marseille via la Côte Bleue afin d'avoir un itinéraire de
délestage notamment en cas d'incident dans le Tunnel de la Nerthe
(d'ores et déjà le
tronçon Avignon - Miramas via Cavaillon
dédoublant l'originel passant par Arles a été achevé entre 1868 et 1873). En
outre, ce projet vise à "saboter" celui de la Compagnie du Midi voulant
relier son réseau (Ouest de Sète) à Marseille par une ligne passant au plus près du
littoral.
- 1875 : déclaration d'utilité publique d'une ligne à voie unique
d'intérêt local reliant Miramas à Rassuen (11 km) exploitée par la
"Compagnie des Chemins de Fer Méridionaux".
- 1879 : construction de cette ligne, qui n'est pas directement reliée à celle du PLM, un simple
raccordement de service accessible dans le sens Marseille - Miramas les relie ; elle dispose d'une gare dédiée située à côté de celle du PLM.
- 1882 : prolongement de cette ligne sur 14 kilomètres, de Rassuen à Port
de Bouc. Elle longe les étangs et se trouve même par endroits sous le
niveau de la mer. Dès lors, la "Compagnie des Chemins de Fer Méridionaux"
est aussi surnommée "MPB" pour "Miramas - Port de Bouc".
- 25 mai 1883 : signature d'une Convention entre l'Etat et la Compagnie du
PLM pour l'étude de la ligne de la Cote Bleue, dont la réalisation revêt
un aspect stratégique pour l'Armée car dédoublant l'unique accès ferroviaire
à Marseille depuis la vallée du Rhône.
- 29 juin 1904 : déclaration d'utilité publique de la ligne Port de
Bouc - L'Estaque.
- 1907 : rachat de la ligne Miramas - Port de Bouc par la Compagnie
du PLM en vue de sa modernisation et de sa connexion au reste de son réseau,
devant à terme permettre de délester la ligne Miramas - Rognac - L'Estaque.
- 1908 : début des travaux du tronçon Port de Bouc - L'Estaque et du
doublement de Miramas - Port de Bouc. Un nouveau raccordement la reliant "directement"
à son complexe ferroviaire de Miramas est construit avec une
direction inversée par rapport à celui existant auparavant : la ligne
devient un prolongement de celles provenant d'Avignon (via Arles ou
Cavaillon), l'ancienne gare terminus de Miramas, située à côté de celle du
PLM, est dédiée aux marchandises. La section de ligne longeant les étangs entre Istres et Port de
Bouc doit être reconstruite plus en hauteur, car initialement située en
dessous du niveau de la mer.
- 1er juin 1913 : mise en service de la seconde voie sur Miramas - Port de
Bouc.
- 15 octobre 1915 : ouverture de Port de Bouc - L'Estaque, la ligne de la
Côte Bleue est achevée et connaît d'emblée un fort trafic du fait de la
Première Guerre Mondiale, nombre de matières premières, munitions, armes et
hommes débarquant à Marseille puis étant acheminés par train vers le front
du Nord Est de la France via la vallée du Rhône.
Dès lors, le PLM dispose de deux itinéraires entièrement indépendants entre
Paris et Marseille :
- Celui dit "artère impériale" via Dijon, Lyon, la rive gauche du Rhône,
Arles, Miramas, Rognac et le Tunnel de la Nerthe.
- Un autre itinéraire principalement destiné aux marchandises et
messageries via Moulins, Paray le Monial, la ligne de l'Azergues, Badan, la
rive droite du Rhône, Avignon, Cavaillon, Miramas, et la ligne de la Côte
Bleue.
- Dans les deux cas, des bifurcations installées respectivement à
Tarascon
et Villeneuve les Avignon (avec rebroussement) permettent de diriger les convois vers Nîmes (où débouche un troisième itinéraire
indépendant depuis Paris, via Moulins, St Germain des Fossés, Clermont-Ferrand,
Langeac et Alès, au tracé certes beaucoup plus difficile), là encore par deux itinéraires indépendants eux mêmes
"shuntés" par la ligne Arles - Lunel. Comme on peut le constater, le réseau de
l'époque était extrêmement dense et permettait facilement de détourner le
trafic lui aussi important.
- Années 20 & 30 : l'aménagement de Port-de-Bouc, Caronte et
de l'étang de Berre pour la grande navigation maritime et l'implantation des premières industries pétrochimiques
autour de l'étang occasionne des circulations marchandises,
tandis que la construction d'habitations dans les communes du
littoral, désormais facilement accessibles depuis Marseille grâce au chemin
de fer, entraîne une augmentation de la fréquentation des trains de
voyageurs, toujours assurés en traction à vapeur. A ce titre, le PLM ouvre
le 1er juin 1927 une gare maritime dédiée aux marchandises
à Caronte, entre Martigues et Port de
Bouc.
- 1944 : suite à un bombardement, destruction du viaduc de Caronte.
- 1946 : le trafic reprend sur la ligne grâce à une reconstruction
provisoire du viaduc de Caronte avec mise en place temporaire d'une
travée levante de 50 m apparemment à voie unique.
- 1950 : alors que la ligne est très majoritairement dédiée à un
trafic local, création d'un express Paris - Marseille via
Cavaillon et Port de Bouc remorqué par des Pacific ex PLM.
- Lancée en 1952, la reconstruction définitive du viaduc de Caronte, retrouvant une
travée tournante, nécessite l'interruption du trafic en octobre
1954, reprenant le 9 décembre 1954 après pose des travées définitives .
- 1962 : avec l'achèvement de l'électrification d'Avignon - Marseille via Arles
et Rognac, la ligne de la Cote Bleue est dès lors confinée au trafic local,
mais forte hausse du trafic marchandises sur sa partie Nord grâce à la construction d'usines
pétrochimiques et à l'aménagement de complexes industriels autour de Fos sur
Mer, nécessitant la construction d'un complexe ferroviaire. Suite à la
construction d'un poste d'aiguillage type PRS à Miramas, la section Miramas
- Istres inclus reçoit une signalisation moderne type BAL (Bloc Automatique
Lumineux).
- 28 avril 1966 : mise en service de la première tranche du
complexe ferroviaire de Fos, sous la forme d'un embranchement à voie unique de 8 km de long
se détachant de la ligne Miramas - Port de Bouc - L'Estaque
au km 824,313 près de l'ancienne gare de Lavalduc.
- Avril 1971 : fin de la traction à vapeur (dernier train
tracté par une 141 R sur Fos - Miramas).
- 1969 - 1970 : construction de l'embranchement (aujourd'hui à
l'abandon et interrompu depuis quelques années) de la centrale thermique de Ponteau en aval de la
gare de Ponteau St Pierre, direction L'Estaque.
- 26 juillet 1974 : mise en service de la double bifurcation de
Lavalduc avec voie d'attente de 700 m et poste d'aiguillage type
PRS ; le BAL est prolongé jusqu'à Port de Bouc, puis ultérieurement à
Martigues-Lavéra.
- 26 mai 1983 : dans la suite du programme d'électrification de la
ligne de la Rive Droite du Rhône et d'Avignon - Miramas par Cavaillon, mise en service de l'électrification en 1500 V continu
sur le tronçon Nord de la ligne, entre Miramas et Lavalduc, où existe un
trafic marchandises important bifurquant ensuite vers Fos sur Mer. L'équipement de l'intégralité de la ligne fut envisagé mais échoua du fait des nombreux ouvrages d'art à
rectifier.
- Hiver 1991 : suppression du train de nuit "le Phocéen" Paris - Avignon - Marseille via
Cavaillon et Port de Bouc, dernier train grandes lignes à desservir la
ligne.
- 2002 : la signalisation mécanique héritée du PLM, encore en place sur le
tronçon L'Estaque - Lavéra (Martigues) avec poste de cantonnement à
Carry, est remplacée par le BAPR (Bloc Automatique à
Permissivité Restreinte) découpé en trois cantons (coupures à Sausset et
Ensuès).
- 10 décembre 2006 : mise en service du raccordement direct St Charles -
Arenc, emprunté désormais par la plupart des TER Marseille - Miramas via la
Côte Bleue afin de permettre la desserte de la nouvelle halte d'Arenc, au
prix certes d'une perte de temps par rapport à l'itinéraire direct.
- 2010 - 2013 : travaux de modernisation avec notamment renouvellement de
la voie et du ballast (RVB) entre Miramas et Martigues ; les quais
sont en général reconstruits avec remplacement du passage planchéié par une
passerelle équipée d'ascenseurs. Pose de grillages le long des voies
pour éviter les trop nombreux accidents de personnes voulant emprunter la
voie comme raccourci...
La section Martigues - L'Estaque, n'ayant pas bénéficié de cette rénovation,
vit par la suite les vitesses des trains abaissées en certains points en
raison du mauvais état de la voie, occasionnant un rallongement des trajets
(10 à 12 minutes sur un Marseille - Martigues durant normalement 35 à 40
minutes) provoquant une baisse de la fréquentation.
- Septembre 2020 à mars 2021 : travaux de rénovation de la ligne
(35 millions d'euros), entrainant une suspension du trafic sur la ligne :
renouvellement de la voie et du ballast entre Carry et l'Estaque et
réfection du tunnel et du viaduc de Rio Tinto (vidéo
SNCF
Réseau : Travaux de modernisation de la ligne de la Côte Bleue - Mai
2020/Mai 2021).
- Le renouvellement de la voie
entre Martigues et Carry, estimé à 100 millions d'euros, est envisagé pour
2024 - 2025.
Travaux de la ligne ferroviaire de la Côte bleue : la Région met la main à la poche (La Provence, 2 novembre 2018)
Quelques chiffres
Le profil de la ligne est adapté aux trains les plus lourds et rapides de
l'époque, avec 56 % de la voie en ligne droite, un rayon minimal des courbes à 500 m et des rampes de 5 mm / m
au maximum.
Vu le relief tourmenté de la zone traversée, sur les 61 km de la ligne se trouvent plus de 5 km de galeries et tunnels
(dont 17 situés sur la section finale entre Carry et L'Estaque), et 13 km de
tranchées (73 sections, la plupart avec murs de soutènement). Les terrassements ont représenté plus de trois millions de
mètres cubes de terre, un demi million s'y ajoutant pour les déviations de
réseaux et caniveaux d'eaux pluviales, dont le réseau est encore aujourd'hui
bien visible. Pas moins de 245 aqueducs et ponts, 21 passages supérieurs, 45 passages inférieurs
ont du être construits.
La ligne comportait à l'origine 16 gares et 28 passages à niveaux dont 21 avec maison de garde.
Certains de ces bâtiments ont été démolis depuis, notamment dans les années 80 /
90.
Trafic sur la ligne
La partie Nord de la ligne voit passer un important trafic marchandises,
surtout depuis le développement du complexe portuaire de Fos sur Mer dans les
années 70 : la
majorité bifurque à Lavalduc vers Fos, mais une partie non négligeable continue
jusqu'à Martigues, qui est une des gares marchandises les plus importantes de la
région PACA.
Bien que très majoritairement utilisée par des TER, la partie Sud de la ligne
peut néanmoins voir passer quelques trains de marchandises notamment lors de travaux
sur la ligne via Rognac : c'est ainsi le cas du train de bauxite Fos - Gardanne
certains jours, voire de convois assurés par des opérateurs privés utilisant des
machines Diesel. Les trains d'ordures entre Marseille et la décharge d'Entressen
ont également parfois transité par la ligne, mais étaient normalement tracés via
Rognac et remorqués par des locomotives électriques. Depuis la fermeture de la
décharge vers 2010, les trains d'ordures sont assurés en traction Diesel (BB
75000) et amenés jusqu'à Fos normalement via Miramas (avec rebroussement dans cette gare ou
"boucle" par Arles, Avignon et Cavaillon pour éviter cette manœuvre).
Le projet d'électrification intégrale de la ligne, évoqué plusieurs fois,
ne s'est pas concrétisé à cause de la présence de nombreux ouvrages d'art
exigeant de lourds travaux pour dégager le gabarit nécessaire à la pose de
la caténaire. De plus, le trafic réel ne justifiait pas un tel équipement, et
les circulations exceptionnelles ("détournements") restaient peu fréquents,
même si la présence de caténaires aurait alors été très utile...
Un des derniers projets, au milieu des années 90, envisageait l'électrification en 25000 V 50 Hz,
dont les infrastructures sont moins onéreuses. Cette solution
était compatible avec la majorité du matériel utilisé alors sur les TER PACA (BB 25500 +
RIO ou RRR, et futures Z 23500, ce qui aurait permis de rationaliser le parc
en évinçant les BB 67400) mais aurait néanmoins posé problème notamment pour
les "détournements" car de
nombreuses séries d'engins utilisés en service marchandises (CC 6500,
7100 et BB 8100) ou voyageurs (BB 9200, 9300, 9600, 7200, Z2) ne
pouvaient fonctionner que sous 1500 V continu.
Depuis 2001 et l'ouverture de la LGV Méditerranée, le rôle d' "axe de
détournement" de la ligne de la Côte Bleue s'est estompé, et les
quelques trains de fret (SNCF ou Euro Cargo Rail) empruntant la totalité de
la ligne sont remorqués par des machines Diesel. Pour ce qui est du trafic
voyageurs, désormais strictement régional, l'arrivée d'engins bimodes
(B 81500 puis 83500) résout le problème d'un parc Diesel vieillissant.
Il n'y a plus de circulation express, excepté en 2012 le Cévenol Clermont -
Marseille, tracé sans arrêt entre Miramas et Marseille et dont le passage
via Rognac posait un problème d'horaires.